L'article L. 1235-4 du code du travail dispose que : « Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu'il désigne au sein de Pôle emploi peut, pour le compte de Pôle emploi, de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1, de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, dans des délais et selon des conditions fixés par décret en Conseil d'Etat, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire ».
Les modalités réglementaires et opérationnelles applicables au recouvrement de la créance due en application de l’article L. 1235-4 du code du travail sont exposées dans la présente instruction.
1. Conditions
1.1 Conditions relatives au licenciement
Pôle emploi peut demander le remboursement des allocations de chômage, en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11 :
- lorsqu’un employeur occupant habituellement au moins onze salariés est jugé avoir licencié sans cause réelle et sérieuse un salarié justifiant d'au moins deux ans d'ancienneté dans l'entreprise (art. L. 12353) ;
- lorsque le licenciement est déclaré nul et de nul effet dans les cas prévus aux articles L. 11324, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4
- lorsqu’un employeur employant au moins cinquante salariés a procédé à au moins dix licenciements dans une même période de trente jours et que le juge constate que la procédure de licenciement est nulle au motif qu’un plan visant au reclassement de salariés s’intégrant au plan de sauvegarde de l’emploi n’a pas été présenté aux représentants du personnel (art. L. 123511).
1.1.1. Licenciement individuel sans cause réelle et sérieuse dans une entreprise d’au moins 11 salariés
a) Le licenciement doit avoir été effectué sans cause réelle et sérieuse
Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail que tout licenciement, dès lors qu’il est jugé sans cause réelle et sérieuse, doit entraîner, sous réserve que les autres conditions (cf. § b, c et d) soient remplies, la condamnation de l'employeur par le juge au remboursement des indemnités de chômage.
L’absence de cause réelle et sérieuse conditionne donc le droit au remboursement. Pôle emploi ne peut en conséquence y prétendre :
- en cas de licenciement prononcé en violation de règles d'origine purement conventionnelle ou prononcé en violation des règles particulières aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou lorsque seule la procédure requise n'a pas été respectée ;
- en cas de méconnaissance de la priorité de réembauche .
En effet, l'inobservation d'une formalité, sans qu'il soit jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, ne créée pas de charge injustifiée au titre des allocations d'assurance chômage versées par Pôle emploi (contrairement à un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui n’aurait donc pas dû être réalisé).
Outre la remise en cause d’un motif personnel, la condamnation de l’employeur est également susceptible d’intervenir dans les cas suivants :
- Remise en cause du motif économique du licenciement
Le licenciement est dépourvu de caractère réel et sérieux lorsque le juge estime que le motif économique pour licencier n’est pas établi. L’article L. 1235-4 est donc applicable. Sur l’incidence de la remise en cause du motif économique sur les allocations devant être remboursées par l’employeur, voir 1.2. Conditions relatives aux allocations.
- Requalification du contrat de travail
Il a été jugé par la Cour de cassation que l'article L. 1235-4 du code du travail est applicable en cas de requalification d'un contrat de travail (temporaire ou à durée déterminée) en contrat à durée indéterminée
- Prise d’acte de la rupture
Pôle emploi peut faire valoir son droit au remboursement des allocations de chômage lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur et que le juge estime que la rupture est imputable à l’employeur. Une telle rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, y compris en ce qui concerne le remboursement des allocations de chômage prévu à l’article L. 1235-4 du code du travail
La résiliation judiciaire du contrat de travail à l’initiative du salarié et aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. L'article L. 1235-4 du code du travail est donc applicable
b) Le juge doit avoir constaté le caractère injustifié (absence de cause réelle et sérieuse) du licenciement
Le droit au remboursement est subordonné au constat par le juge de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
En conséquence :
- Il n’existe aucun droit au remboursement lorsqu’une transaction est intervenue en dehors de toute instance ou avant le jugement prud'homal ou, encore, en cause d'appel lorsque le jugement entrepris n'a pas fait application de l'article L. 12354 .
Il en va autrement en présence d'une transaction ayant pour objet de commettre une fraude aux droits de Pôle emploi.
- le droit au remboursement existe lorsque la transaction est intervenue après décision du juge du fond condamnant l’employeur à rembourser et bénéficiant de l'autorité de la chose jugée.
Le désistement opéré en cause d'appel est sans effet sur la créance de Pôle emploi
Il en résulte que, lorsque, en premier ressort, le juge constate qu'un licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais omet d'ordonner le remboursement, Pôle emploi est en droit d'obtenir la rectification de cette omission de statuer (cf. point 2.2), peu important la transaction par laquelle le salarié et l'employeur ont convenu, en cause d'appel, de se désister de toutes instance et action.
c) L’employeur doit occuper habituellement au moins onze salariés
L'article L. 1235-5 du code du travail dispose que l'article L. 1235-4 n'est pas applicable aux licenciements opérés par les employeurs qui occupent habituellement moins de onze salariés
Il a, été jugé que les dispositions relatives au remboursement des allocations par l’employeur fautif « subordonnant le remboursement des allocations de chômage à un double critère objectif tenant à l’importance de l’entreprise et l’ancienneté du travailleur licencié, comme celles, alors en vigueur, fixant la limite de la réparation du préjudice des organismes concernés à la date à laquelle le juge se prononçait, ne comportent pas des inégalités de traitement et ne sont en conséquence pas contraires » aux dispositions de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme
d) L’ancienneté du salarié dans l’entreprise doit être d’au moins deux ans
Il résulte de l'article L. 1235-5 du code du travail que les dispositions de l'article
L. 1235-4 ne sont pas applicables lorsque le salarié justifie d'une ancienneté inférieure à deux ans dans l’entreprise.
L'employeur a la charge de prouver que l'ancienneté du salarié est insuffisante.
L'ancienneté doit s'apprécier « dans l'entreprise » et à la date de réception de la lettre de licenciement
Sur la compatibilité avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, (cf. § c).
1.1.2. Licenciement nul et de nul effet
Le droit au remboursement est également applicable dans les cas particuliers dans lesquels la loi déclare le licenciement « nul et de nul effet » :
- article L. 11324 du code du travail : licenciement opéré en méconnaissance du principe de non-discrimination (article L. 1132-1 à L. 1132-4) ;
- article L. 11344 du code du travail : licenciement opéré en considération d’une action en justice exercée par le salarié ou en sa faveur contre l’employeur, fondée sur des dispositions du code du travail relatives aux discriminations ;
- article L 11443 du code du travail : licenciement opéré en considération d’une action en justice exercée par le salarié ou en sa faveur contre l’employeur, fondée sur des dispositions du code du travail relatives à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ;
- article L. 11523 du code du travail : licenciement opéré en méconnaissance des dispositions sur le harcèlement moral ;
- article L. 11534 du code du travail : licenciement opéré en méconnaissance des dispositions sur le harcèlement sexuel.
Les conditions précitées sur l’ancienneté du salarié ou sur l’effectif de l’entreprise ne sont alors pas applicables (cf. 1.1.1.).
1.1.3. Licenciement collectif dans une entreprise d’au moins 50 salariés
Il résulte des articles L. 1233-61 et L. 1235-10 du code du travail que :
- l'employeur qui occupe au moins cinquante salariés, lorsqu'il procède au licenciement d’au moins dix salariés sur une période de trente jours, « établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre », lequel intègre « un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés » ;
- « la procédure de licenciement est nulle tant que (ce) plan (…) n’est pas présenté par l’employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés ».
L’article L. 1235-11 dispose que :
- « Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L.123510, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié, à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.
- Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois ».
Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1235-4 et L. 1235-11 que dès lors qu’il est constaté par le juge que la procédure de licenciement est nulle, l’employeur doit être condamné au remboursement des indemnités de chômage (sous réserve que les autres conditions soient remplies).
1.2. Conditions relatives aux allocations
1.2.1. La nature des allocations
a) Des allocations d’assurance
La Cour de Cassation considère qu’en visant les « indemnités de chômage », l'article L. 1235-4 du code du travail renvoie implicitement à la notion « d'allocation d'assurance » prévue à l'article L. 5422-1 du même code.
Sont donc seules susceptibles d’être remboursées à Pôle emploi, les allocations d'assurance chômage versées en application de la réglementation relative à l'assurance chômage et donc précisément de l’allocation d’aide au retour à l’emploi.
Sont donc notamment exclues les allocations payées au titre du régime de solidarité
Sont également exclues les allocations versées pour un employeur qui a conclu une convention de gestion du risque de chômage (art. L. 5424-1).
Les employeurs relevant de l'article L. 5424-1 du code du travail ayant confié à Pôle emploi l'indemnisation de leurs anciens agents ou salariés par convention de gestion assument eux-mêmes la charge financière résultant de l'indemnisation de ces anciens agents ou salariés.
Un licenciement (sans cause réelle et sérieuse ou nul) n’entraîne donc aucun coût pour l'assurance chômage (Unédic). Pour cette raison, Pôle emploi ne doit pas demander le remboursement des indemnités de chômage versées aux anciens agents ou salariés de cette catégorie d'employeurs, et ce, quand bien même le juge les y aurait condamnés.
En cas de remise en cause du motif économique à la suite de l’adhésion d’un salarié au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle (CSP), le remboursement des allocations ne pourra porter :
- que sur l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) versée dans la limite de 6 mois : en application de la jurisprudence de la Cour de cassation, en cas de remise en cause du motif économique du licenciement, le CSP devient sans cause. La position de l’Unédic est de ne pas remettre en cause le bénéfice du CSP pour l’allocataire, et notamment de l’allocation de sécurisation professionnelle (ASP) versée dans le cadre de ce dispositif. Il convient, par conséquent, de calculer le montant des allocations qui aurait été versées si l’allocataire avait perçu l’ARE et non l’ASP, et de réclamer ce montant à l’employeur ;
- sous déduction de la contribution au financement du dispositif précédemment versée à Pôle emploi par l’employeur fautif.
b) Des allocations dues
Sont également exclues du remboursement les allocations indûment versées (trop perçus). Il incombe à un employeur souhaitant se prévaloir du caractère indu de ces allocations (par exemple, parce que le salarié avait repris une activité professionnelle excluant le bénéfice des allocations) de prouver que le salarié ne réunissait pas les conditions pour les percevoir.
Il importe de bien distinguer 2 actions qui peuvent être concomitantes :
- d'une part, l'action de Pôle emploi à l'encontre de l'allocataire en remboursement d'un trop perçu (tel est le cas, par exemple, lorsque le juge prud'homal accorde une indemnité de préavis à l'allocataire, ce qui entraîne le report du point de départ du versement des allocations. En effet, cellesci constituent légalement un revenu de remplacement. Elles ne peuvent donc se cumuler avec les sommes dues au titre du préavis et qui ont la nature d'un salaire) ;
- d'autre part, l'action de Pôle emploi contre l'employeur en remboursement des allocations sur le fondement de l’article L. 12354 du code du travail. Il a été jugé qu'une telle action ne prive pas Pôle emploi du droit d’agir, à l’encontre du salarié, en répétition des prestations qui lui ont été indûment versées (ainsi, Pôle emploi est en droit d'agir contre l'allocataire en remboursement des allocations indûment versées en raison de l'obtention par celuici d'une indemnité de préavis, et en parallèle d'agir en remboursement contre l'employeur au titre des allocations versées à l'allocataire à compter du nouveau point de départ de versement des allocations).
c) Des allocations liées au droit ouvert à la suite de la rupture fautive
Les allocations doivent être liées à la rupture fautive du contrat de travail. Les principes gouvernant la responsabilité civile, sur laquelle est fondé le remboursement des allocations en application de l'article L. 1235-4, interdisent, en effet, de condamner un employeur au-delà du montant des allocations versées par l'effet de sa faute.
Il s'ensuit que :
- le remboursement porte exclusivement sur la période d'indemnisation liée au licenciement ayant entraîné la condamnation de l'employeur;
- lorsque Pôle emploi prend à nouveau en charge un salarié privé d'emploi après une période pendant laquelle le paiement des allocations de chômage avait été interrompu et qu'il est démontré que cette indemnisation trouve sa cause dans le licenciement fautif, l'employeur est tenu de rembourser les allocations versées à l'issue de cette période.
1.2.2. La période des allocations
Le remboursement est limité aux indemnités de chômage versées du jour du licenciement au jour de la décision des juges du fond.
a) Point de départ de la période
Le jour du licenciement constitue le point de départ de la période au titre de laquelle les allocations versées doivent être remboursées.
En pratique, le point de départ correspond à la date de prise en charge du salarié par Pôle emploi, laquelle intervient après expiration du délai de préavis (qu’il ait ou non été effectué), du délai d’attente de 7 jours et des différés d’indemnisation.
Il s’ensuit notamment que, lorsque Pôle emploi prend immédiatement en charge un salarié privé d’emploi au motif que celui-ci n’a perçu ni indemnité compensatrice de préavis (salarié licencié pour faute grave ou lourde), ni indemnité compensatrice de congés payés (salarié licencié pour faute lourde) et, qu’ultérieurement, le juge prud’homal alloue notamment à ce dernier ces deux indemnités, Pôle emploi doit :
- constater que les allocations versées à l’allocataire pendant la durée du préavis et du différé d'indemnisation correspondant à l’indemnité compensatrice de congés payés l’ont été indûment et lui en demander la restitution (la condamnation de l’employeur sur le fondement de l’article L. 12354 du code du travail ne privant pas Pôle emploi du droit d’agir, à l’encontre du salarié, en répétition des prestations qui lui ont été indûment versées – cf. 1.2.1) ;
- et, dans le cas où le juge estime que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et ordonne le remboursement des allocations, demander à l’employeur de rembourser à Pôle emploi les allocations versées au salarié au delà de la période indûment indemnisée. En aucun cas, le remboursement des allocations indûment versées ne doit être demandé à l’employeur.
b) Terme de la période
Le terme de la période concernée par le remboursement des allocations est celui jour du « jugement prononcé ».
En visant le « jugement », l'article L. 1235-4 vise indistinctement toutes les décisions rendues par les juridictions du fond appelées à statuer sur le remboursement
La période prise en considération pour la détermination des indemnités de chômage devant être remboursées est donc prolongée jusqu'au jour de la décision rendue en appel
Le code du travail vise les indemnités de chômage « versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé ». Il en résulte que le rappel d’allocations, consécutif à un rappel de salaires, versé après le jugement et se rapportant à la période d’indemnisation antérieure au jugement, doit être exclu des sommes à rembourser par l’employeur.
1.2.3. Le montant des allocations
L'article L. 1235-4 limite le montant des allocations devant être remboursées par l’employeur à Pôle emploi de deux manières :
- d’une part, en fixant un montant maximal, à savoir « six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé » ;
- d’autre part, en permettant au juge de n’ordonner le remboursement que d’une partie de ce montant.
a) Montant maximal
Le législateur a limité le montant du remboursement à « six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ».
Le droit au remboursement porte donc sur six mois d'indemnisation ayant suivi le licenciement fautif, peu important les intervalles ayant pu interrompre les versements de Pôle emploi : l'employeur ne saurait, en conséquence, prétendre que les six mois pris en considération correspondent à la période calendaire qui s'est écoulée immédiatement après le licenciement.
Par ailleurs, le plafond de six mois, s'appréciant « par salarié intéressé », doit être appliqué autant de fois qu'il existe de salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse ou concernés par une procédure de licenciement collectif déclarée nulle et de nul effet.
Cette règle s'impose, en particulier, en cas de contrat de travail commun à plusieurs salariés, comme la loi l'autorise, par exemple, en ce qui concerne les artistes du spectacle et les concierges (articles L. 7121-7 et suivants et L. 7211-2 du code du travail).
Le montant à rembourser doit être calculé à partir du montant brut des allocations, l’obligation de rembourser ayant pour finalité de réparer le préjudice causé à l’assurance chômage.
b) Montant apprécié par le juge
En disposant que le juge ordonne le remboursement « de tout ou partie des indemnités de chômage », l'article L. 1235-4 donne au juge le pouvoir d'apprécier souverainement l'étendue du remboursement dû à Pôle emploi dans la limite du montant maximal de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Il a ainsi été jugé que la condamnation au paiement d'un euro symbolique ne répond pas à cette exigence.
Le remboursement ne saurait être fonction du degré de gravité attachée à la faute commise par l'employeur
2. Mise en œuvre
2.1. Le juge a ordonné d’office le remboursement par l’employeur
2.1.1. Juridiction compétente : la juridiction prud’homale
En disposant que le « juge » ordonne le remboursement par l'employeur fautif, l'article L.1235-4 prévoit nécessairement que le juge prud'homal, statuant sur saisine du salarié, demeure compétent pour se prononcer sur l’obligation de l’employeur de rembourser les allocations.
Ainsi, lorsque l'employeur prétend devant le tribunal d’instanceaisi de l’opposition à la contrainte délivrée par Pôle emploi, que le remboursement a été ordonné par la juridiction prud’homale dans un cas où cette mesure n'était pas prescrite par la loi, le tribunal d’instance est tenu de renvoyer l’affaire devant la juridiction prud’homale aux fins d'examiner l'éventualité d'une rétractation du jugement (article R. 1235-9 du code du travail)
2.1.2. Pôle emploi « partie au procès » par effet de la loi
La Cour de Cassation considère que, par l'effet de l'article L. 1235-4, donc par l'effet de la loi, Pôle emploi, établissement qui a versé les allocations, est, de plein droit, partie au litige qui oppose l'employeur au salarié prétendant avoir été licencié sans cause réelle et sérieuse ou congédié dans le cadre d’une procédure de licenciement collectif nulle et de nul effet.
Il s'ensuit notamment que, par dérogation au droit commun de la procédure civile, Pôle emploi ne saurait être privé du droit à remboursement du seul fait qu’il n’était pas présent à l’instance opposant le salarié à l’employeur (cette absence à l’instance étant liée au fait que Pôle emploi n’a pas connaissance en amont des litiges qui concernent exclusivement le salarié et l’employeur).
2.1.3. Le juge prud’homal a l’obligation d’ordonner d’office le remboursement
Le droit de Pôle emploi au remboursement est une conséquence légale et obligatoire de la condamnation au paiement de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ou de l'indemnité prévue en cas de procédure de licenciement collectif déclarée nulle et de nul effet.
La condamnation au paiement de l’une de ces indemnités suffit à entraîner automatiquement la condamnation au remboursement des allocations de chômage : le droit de Pôle emploi n'est subordonné à aucune autre conditiont le juge n’est pas tenu de fournir d'autre motif à sa décision
Autrement dit, le juge ne dispose pas du pouvoir d'apprécier l'opportunité d'ordonner ou non le remboursement des allocations de chômage ("le juge ordonne
Peu importe, à cet égard, l'intervalle ayant séparé la fin du contrat de travail de la demande d'allocations ou la durée de perception des allocations
De même, le refus du salarié de réintégrer l'entreprise est sans effet sur le droit au remboursement
Enfin, le juge ne peut subordonner le remboursement à la preuve de ce que la durée du chômage est imputable au licenciement litigieux
Le juge est tenu d’ordonner le remboursement même si aucune demande n’est formulée par Pôle emploi, car la loi lui en fait obligation : Pôle emploi, légalement réputé partie au litige (cf. 2. 2.), est aussi légalement réputé avoir formulé une demande.
Par ailleurs, la Cour de Cassation a jugé que l'obligation faite par la loi au juge de prononcer la condamnation même si Pôle emploi n’a formulé aucune demande ne méconnaît pas l'exigence d'un procès équitable posée à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dans la mesure où les articles L. 1235-4 et R. 1235-1 et suivants du code du travail, permettent à l'employeur de contester le principe de sa responsabilité ou les conditions du remboursement devant la juridiction prud'homale
Si le juge omet d'ordonner d’office le remboursement, il convient de déposer une requête en omission de statuer d'agir sur le fondement de l'article 463 du code de procédure civile (cf. 2.2.1).
2.1.4. Pôle emploi doit être informé des décisions prud’homales
L’article R. 1235-1 fait obligation au conseil de prud’hommes et à la cour d'appel ayant ordonné d’office le remboursement des allocations de chômage d’adresser à la direction régionale de Pôle emploi (située dans le ressort de la juridiction qui a rendu la décision) une copie du jugement à l’expiration du délai d’appel, en précisant si la décision a fait l’objet d’un appel ou non.
Il convient d’observer que l'article R. 1235-1, III, oblige également la juridiction à transmettre à Pôle emploi la copie des jugements prud’homaux constatant que le licenciement ne résulte pas d’une faute grave ou lourde alors que l’employeur estimait qu’une telle faute existait. L’intérêt de cette transmission est de permettre aux directions régionales, s'il y a lieu, de rectifier, la date de prise en charge du salarié (en tenant compte du préavis et de l’indemnité de congés payés notamment), et de lui demander la restitution des allocations qui ont pu lui être indûment versées (trop perçus).
S’il s’avère que Pôle emploi n’est pas, ou pas suffisamment, informé, les directions régionales doivent procéder à une démarche auprès des présidents des conseils de prud'hommes concernés et, en l'absence de résultats tangibles, après renouvellement de cette démarche, auprès des présidents des cours d'appel.
2.1.5. Procédure
a) La décision ordonnant d’office le remboursement n’est plus susceptible de recours suspensif
Pôle emploi dispose d’une décision de justice (jugement de conseil de prud'hommes ou arrêt de cour d'appel), dont il a été vérifié qu’elle n’est plus susceptible de recours suspensif (décision ayant force de chose jugée : un jugement rendu en dernier ressort ou en premier ressort mais qui n’a pas fait l’objet d’un appel, ou un arrêt de cour d’appel. L’arrêt de cour d’appel a force de chose jugée même s’il fait l’objet d’un pourvoi en cassation) et ayant condamné d’office l’employeur fautif au remboursement des allocations de chômage versées au salarié licencié abusivement.
Lorsqu’une telle décision ne fixe pas le montant des allocations que l'employeur doit rembourser à Pôle emploi, elle ne constitue donc pas un titre exécutoire susceptible d'exécution forcée auprès de l'employeur. Il convient en conséquence de poursuivre le recouvrement auprès de l’employeur par voie amiable.
Pôle emploi adresse dans un premier temps un courrier à l'employeur précisant le montant des allocations et l'invitant à rembourser dans un délai d’un mois.
A défaut de paiement dans le délai d’un mois, Pôle emploi peut mettre en demeure l’employeur de rembourser.
La mise en demeure doit comporter :
- 1° La dénomination et l'adresse de Pôle emploi ;
- 2° La dénomination et l'adresse de l'employeur et, le cas échéant, de l'organe qui le représente légalement, mentionnées dans le jugement ordonnant d'office le remboursement par l'employeur fautif de tout ou partie des allocations de chômage ;
- 3° Le motif, la nature et le montant des sommes dont le remboursement a été ordonné ;
- 4° Les périodes couvertes par les versements donnant lieu à recouvrement ;
- 5° La copie du jugement ordonnant d'office le remboursement par l'employeur fautif de tout ou partie des allocations de chômage.
La mise en demeure doit être :
- conforme au modèle annexé à la présente instruction ;
- envoyée à l’employeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
En cas de procédure de remboursement concernant un même employeur mais plusieurs salariés (cas de l’annulation d’un licenciement collectif), il est possible d’établir une seule mise en demeure (en détaillant – dans le tableau - pour chaque salarié le montant à rembourser et les périodes couvertes par le remboursement).
- Recouvrement contentieux : la contrainte
Délivrance de la contrainte (article R. 1235-3 du code du travail)
A défaut de paiement au terme du délai d’un mois imparti par la mise en demeure, Pôle emploi peut délivrer une contrainte à l’employeur, laquelle produit les mêmes effets qu’un jugement à l’égard de l’employeur si celui-ci ne forme pas opposition.
La contrainte :
- ne peut être délivrée avant le terme du délai d’un mois imparti par la mise en demeure;
- doit être délivrée par celui qui est titulaire de la délégation ;
- doit être conforme au modèle annexé à la présente instruction (ce modèle peut concerner un ou plusieurs salariés en détaillant pour chaque salarié le montant à rembourser et les périodes couvertes par le remboursement).
La contrainte doit être délivrée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Ce n’est qu’en cas d’échec de cette notification (refus de l’employeur de signer l’avis de réception par exemple) qu’il est possible de procéder par voie de signification par acte d’huissier.
Les frais de notification ou de signification de la contrainte, ainsi que les frais de mise en demeure préalable, sont à la charge du débiteur (art. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution). Ils doivent donc être mentionnés sur la contrainte.
Opposition à la contrainte (article R. 1235-4 et suivants du code du travail)
L’opposition doit être formée dans le délai de 15 jours de sa notification auprès du greffe du tribunal d’instance où est domicilié l’employeur. L’opposition suspend la mise en œuvre de la contrainte.
Le tribunal d’instance doit informer Pôle emploi dans les 8 jours de l’opposition. Pôle emploi doit adresser au tribunal une copie de la mise en demeure, de la contrainte et de la preuve de leur réception par l’employeur.
Le tribunal d’instance a une compétence exclusive pour se prononcer sur l’opposition, quelle que soit le montant de la somme à rembourser.
Si dans son opposition l’employeur prétend que le remboursement a été ordonné dans un cas non prévu par la loi, le tribunal d’instance doit alors renvoyer vers la juridiction qui a ordonné le remboursement (article R. 1235-9 du code du travail).
Les parties sont autorisées à formuler leurs prétentions et moyens par écrit et ne sont pas tenues de se présenter à l’audience, sauf si le juge l’ordonne (article R. 1235-7 du code du travail).
Le jugement se substitue à la contrainte. Il est exécutoire à titre provisoire s’il est susceptible d’appel.
b) La décision ordonnant le remboursement fait l’objet d’un appel
Lorsque Pôle emploi est en possession d’un jugement de conseil de prud'hommes condamnant d'office l’employeur au remboursement et ayant fait l’objet d’un appel interjeté soit par l’employeur soit par le salarié, et dans la mesure où Pôle emploi est partie à l'instance « par l'effet de la loi », il convient d’adresser à la cour d'appel une lettre (le cas échéant, complétée par des conclusions) :
- rappelant l’obligation faite par la loi (article L. 12354 du code du travail) au juge d’ordonner le remboursement au cas où il estimerait le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- prévenant la cour d’appel que Pôle emploi, partie à l’instance par l’effet de la loi dans le cadre de l’application de l’article L. 12354 du code du travail, ne sera ni présente, ni représentée à l’audience ;
- précisant la nature des allocations versées, leur montant et la période sur laquelle ont porté les versements (en joignant les pièces justificatives) ;
- demandant en conséquence à la cour d’appel d'ordonner à l'employeur le remboursement à Pôle emploi du montant des allocations qu'il aura fixé.
Si la cour d'appel ordonne le remboursement des allocations en en fixant le montant, Pôle emploi dispose alors d'un titre exécutoire et peut poursuivre le recouvrement de sa créance dans les conditions de droit commun.
2.2. Le juge a omis de condamner l’employeur au remboursement
2.2.1. La décision n’est plus susceptible de recours suspensif : requête en omission de statuer (article 463 du CPC)
Si le juge a omis de condamner d’office l’employeur et que la décision n’est plus susceptible de recours (décision ayant force de chose jugée : un jugement rendu en dernier ressort ou en premier ressort mais qui n’a pas fait l’objet d’un appel, ou un arrêt de cour d’appel), Pôle emploi doit déposer une requête en omission de statuer
La requête doit être déposée auprès du juge qui a omis de condamner d’office l’employeur.
A l’occasion de la requête, Pôle emploi doit fournir les éléments chiffrés de la condamnation.
Lorsque l'omission a été réparée, Pôle emploi dispose d'un titre exécutoire l'autorisant à poursuivre le recouvrement par voie d’huissier si le recouvrement amiable ne donne pas de résultat.
La requête en réparation de l’omission de statuer doit être présentée, au plus tard, un an après que la décision prud’homale comportant l’omission a acquis force de chose jugée c’est-à-dire n’est plus susceptible de recours (article 500 du code de procédure civile) :
En d'autres termes :
- la demande en réparation de l’omission doit être formulée dans le délai d'un an et un mois courant à compter de la notification du jugement prud'homal, s'il a été rendu en premier ressort.
Il s'ensuit qu'en l'absence d’une notification à Pôle emploi, le délai d'exercice de la requête en réparation de l’omission de statuer ne peut commencer à courir à l'égard de l’institution.
- lorsque l'omission a été commise en dernier ressort ou en appel, la requête en réparation de l'omission de statuer doit être présentée dans l'année suivant le prononcé de la décision.
Par ailleurs, en cas de pourvoi en cassation formé du chef de l'omission donnant lieu à un arrêt d'irrecevabilité, le délai d'un an évoqué ci-dessus ne court qu'à compter de la décision de la Cour de Cassation (article 463, alinéa 2, du code de procédure civile).
Lorsque le délai d'un an imparti pour former la requête en réparation de l'omission de statuer est expiré, le jugement ou l'arrêt d'appel comportant l’omission bénéficie de la force exécutoire et s'impose à Pôle emploi.
2.2.2. La décision fait l’objet d’un appel
Lorsque le jugement prud’homal comportant l’omission de statuer fait l'objet d'un appel, et dans la mesure où Pôle emploi est partie à l'instance « par l'effet de la loi », il est préférable d’adresser à la cour d'appel une lettre (sur le contenu de cette lettre, cf. 2.1.5, b).
Si la cour d'appel ordonne le remboursement des allocations en fixant le montant du remboursement, Pôle emploi dispose alors d'un titre exécutoire et peut poursuivre le recouvrement de sa créance dans les conditions de droit commun.

3. Règles internes de gestion des créances de l’article L. 1235-4
3.1. Le recouvrement
Il appartient à la direction régionale chargée du versement des allocations de chômage au salarié licencié d’obtenir auprès de son ancien employeur le remboursement de ces allocations.
Dans le cadre du recouvrement de ces créances, celles-ci :
- doivent apparaître dans le compte « affilié » ;
- sont quérables, et non portables ;
- ne peuvent être recouvrées par les organismes tiers ayant mission de recouvrer les contributions générales et cotisations (CMSA, Urssaf…) ;
- ne sont pas susceptibles d’une remise de dette mais peuvent être réglées selon un échéancier.
Lorsque l’entreprise ayant procédé au licenciement est en redressement ou liquidation judiciaire, le recouvrement s’avérant compromis, il n’est pas opportun de demander le remboursement, ni d’engager une procédure d’omission de statuer.
En l’absence de tout texte spécifique instituant une prescription plus courte, la créance résultant, pour Pôle emploi, de l’application de l’article L. 1235-4 du code du travail ainsi que le jugement comportant la condamnation au versement de cette créance se prescrivent par 5 ans (article 2224 du code civil).
3.2. Le suivi de l’activité
3.2.1. Bilan annuel
Les directions régionales doivent transmettre à la direction générale (direction de la règlementation et de l’indemnisation), avant le 1er mars de chaque année, un bilan, conforme au modèle établi en annexe, relatif à l’application de l’article L.1235-4 du code du travail dans le ressort de la direction régionale au cours de l’année précédente, lequel comprend une information sur l’application de l’article R. 1235-1, III, du code du travail.
3.2.2. Saisine de la Direction de la réglementation et de l’indemnisation
La direction de la réglementation et de l’indemnisation doit être saisie de tout contentieux :
- de principe portant sur l'application de l'article L. 12354 du code du travail ;
- porté devant la Cour de cassation soulevant une question portant directement sur le remboursement. Il importe de relever que, dans le cadre de l'application de l'article L. 12354 du code du travail, le délai de deux mois pour former un pourvoi court à compter de la notification, par lettre recommandée avec accusé de réception, de l'arrêt à Pôle emploi par le greffe de la cour d'appel (et non à compter de l'éventuelle signification de l'arrêt à partie).
Misoo Yoon
La directrice générale adjointe en
charge de l’offre de services
Les annexes non publiées sont disponibles sur demande.